La rumba Parigote...
Il y avait longtemps que Lucie n’avait fait paraître son minois.
Pour qui ?
Pourquoi ?
Elle savait que tant de gens étaient en attente de ce qu’elle pourrait dire ou faire. Elle pensait à Paul, il la connaissait par cœur. D’un regard il devinait son état d’esprit.
- Bouge toi ! Réagis ! Tu ne te rends pas compte que tu t’enfermes chaque jour un peu plus ! Bon sang, je t’ai connu combative, créative, rebelle, prête à démolir des montagnes !
- Je sais Paul. La vie s’est chargée de me casser en mille morceaux. Toi, tu es pris par le tourbillon de tes amis, tes relations, ton boulot, ta ville. Moi, je n’ai plus rien, même plus mon chien !
- Combien de fois faut-il que je te répète de rejoindre la capitale ? Je suis là, seul comme un con, pendant que tu moisis dans ton bouiboui !
- Trop enracinée à ma terre Paul…
- Pas de soucis, je descends avec mon Caterpillard ! Allez la belle, je ne te demande rien, juste de te ressaisir. Retrouve ton sourire et ta joie de vivre, la suite, c’est toi qui l’écriras. Il faut que je parte, réfléchi à ma proposition, elle est très sérieuse.
- Tu es un amour, mais…
La communication fut interrompue.
Se remettre en question, bouger, changer, partir, loin, très loin… j’avais tourné et retourné des milliers de fois ces images dans ma tête. En rêve, en cauchemars, endormie, éveillée.
Pierre m’avait laissé seule. Du jour au lendemain plus de travail, j’étais tombée dans la précarité sans avoir eu le temps de respirer.
- Où étais-tu toi que j’aimais ?
J’imaginais que tôt ou tard je m’en sortirai… foutaises ! Tel un soldat dans une guerre qui ne finit pas, qu’il ne comprend pas, enfermée dans une prison à ciel ouvert, je restais prostrée, en léthargie. Recroquevillée de jour comme de nuit.
Le brasier qui flambait, étincelait, vibrait, avant, se réduisait peu à peu à une flamme fragile, prête à s’éteindre, maintenant.
Comment sortir de ce carcan ?
Paul était mon contraire, mon inverse. Son côté force me fascinait. Il n’avait pas eu une enfance facile. Perdre sa mère alors qu’il n’avait pas cinq ans l’avait rendu combatif, invincible. Il prenait des colères noires quand je lui lançais en souriant qu’il était « le cavalier immortel » Autant de fois Paul était tombé, toujours il se relevait ! Plus fort, plus vaillant.
- Ne me fais pas passer pour plus fort que je ne suis ! Te souviens-tu de ta promesse à tenir la tête haute et fière quoi qu’il arrive ? La mort n’a pas voulu de toi, alors maintenant : Vis !
La grande faucheuse n’avait pas voulu emporter la petite jeunette de vingt ans anorexique, elle ne pouvait s’empêcher de venir la narguer de loin en loin.
Lucie en était là de ses réflexions moroses, lorsque le bip de son mobile la fit sursauter…
- Oui !
- Lucie ?
- Paul !
- J’ai réfléchi, tu ne peux absolument pas continuer sur ce tempo ! Je viens ce week-end.
- Et ?
- Et tu fais tes bagages ! Ne me fait pas le coup de « ta » terre, je vais te faire goûter le bitume, les flonflons et les paillettes, les lumières, l’agitation de la rumba parigote. Tu verras, cette danse t’ira comme un gant ma cocotte !
© Photo sur site
- Ai-je mon mot à dire ?
- Non !
Je raccrochai. En mon for intérieur je savais que Paul avait raison. Après moi le déluge ! Comme le répétait si souvent « ma petite voix » :
- Demain est un autre jour, qui vivra verra…
© Texte Petit Roseau - Nathalie K