≈ Série Rose & Noire ≈
Atchoum !
La pluie tant attendue tombe, j’en suis sûre. Entre-deux rafales de vent, j’entends au loin des éclats de rire, une musique, quelques voix enfantines se perdent dans la nuit. À intervalles réguliers, des éclairs transpercent le ciel, le tonnerre gronde de sa voix rauque.
J’avance sans trop savoir vers où, vers qui, vers quoi. J’étais pourtant certaine de te retrouver là assis à la même place. Octobre, c’est bien le mois de tous les espoirs, toutes les folies ? Tu m’avais dit que le lien serait toujours à la même date, ici. J’ai beau tourner dans tous les sens, seul le silence crie.
Toi, tu es parti sans le moindre regret. De toute façon tu t’en foutais. Il y avait déjà longtemps que “ nous ” n’existait plus.
Sans vraiment me rendre compte où mes pas me portaient, je suis à la même table.
Tu te souviens…
Ce soir-là, tu étais tellement dans tes pensées, tu n’avais pas daigné me regarder. J’avais pourtant tout fait pour que tu lèves la tête, dirige vers moi ton regard, une fois, oui, oh oui, seulement une fois ! J’avais bien compris à ta façon de triturer ton mobile, ta mine de bête traquée, tes gestes désordonnés, que tu étais plus que préoccupé. C’est seulement lorsque tu as fini par te lever, un peu trop brusquement sans doute, que ma tasse a voltigé.
Tu pleurais amour, oui, tu pleurais. Cela va te paraître bizarre, mais je n’avais jamais vu un homme pleurer ; je n’avais pas besoin de dessin pour savoir que j’étais à cet instant précis, totalement foutue. Raide, dingue, folle, peu importe, de toi et seulement toi.
Je t’entends d’ici.
_ Alors petite, il faut pleurer pour te plaire ?
J’ai froid.
Je n’ai pas voulu quitter la place près de la fenêtre entrebâillée. Le vent la pluie dansent encore dehors leur valse endiablée. Je suis bien que pour me souvenir, tant pis pour les frissons à répétition.
_ Vous désirez ?
_ A cette heure… un chocolat. Et puis… ajoutez un fondant. Bien quoi, varions les plaisirs et les desserts !
J’avais failli crever de ne plus m’alimenter, ce soir et à l’inverse je crèverai de “ trop ”. Après tout, il faut bien mourir un jour.
Le serveur me regardait avec un air mi-figue mi-raisin, ne sachant pas trop si ma tête à l’envers l’était par la pluie, ou si j’étais une déglinguée de plus. Un peu des deux certainement, mais je m’en fous ! Je n’aurais pas besoin de me forcer à être douce et bien élevée. J’étais bien loin à minuit une de l’ange, bien plus près du démon.
Mon cœur va s’arrêter.
Tu es là. Oui oui, juste devant moi, à quelques mètres. Tu n’es pas seul Paul. Tu as le culot de venir ici avec une autre !
Mon cœur, je le sens, est en train de rendre l’âme Paul.
Tu lui souris, tu l’embrasses.
Je meurs Paul.
Où sont tes promesses ? Qu’as-tu fait de ton amour pour moi ?
Oublié ?
Rayé ?
Déchiré ?
Envolé ?
J’ai un vertige Paul. Je te vois, je me vois, je la vois, tout tourne et se mélange, je tombe. Il me semble entendre un claquement, une détonation.
Quelle est cette douleur intense ?
Dis, est-ce que c’est ça mourir ?
Mourir d’amour ?
Mourir tout court ?
Ma main Paul… elle est rouge de sang, rose de cœur.
Je ne suis pas Juliette, tu n’es plus mon Roméo.
Pourquoi ?
J’ai peur.
Il fait noir.
Où suis-je ?
Petit Roseau - Nathalie K
© Texte & Photo